Saisis
par une fureur généralisée de jouer, les Français
du 18e siècle voient s'affronter sur la scène et sur papier
deux projets divergents pour la domination de leur activité théâtrale.
Contre la mainmise et les interdictions de monopoles successifs, les partisans
d'une conception plus ouverte et sans entraves de l'activité scénique
luttent pour la survie. La croissance rapide du nombre de théâtres
(multiplication des salles non-officielles et privées) et la prolifération
des textes qui l'accompagne (textes d'auteurs nouveaux, pièces et
écrits historiques et théoriques sur le théâtre)
sont constamment tenus en échec par des actions régulatrices
(des théâtres officiels sur les représentations à
Paris, de l'Eglise sur la conduite des acteurs, du mouvement philosophique
pour la mission des théâtres et de la critique néo-classique
sur leur orientation esthétique). Pour schématiser
ces heurts multiples, le 18e siècle est partagé entre une
vision doctrinaire et littéraire du théâtre et une
autre qui se réclame bruyamment de son caractère corporel
et spontané.
L'objectif
du cours est de cerner cette dichotomie mise-en-scène/littérature,
telle qu'elle se manifeste autour d'une sélection de pièces
considérées à la fois comme événements
théâtraux et comme éditions. Voltaire insiste à
maintes reprises sur l'abîme entre ces deux perspectives: l'appréciation
de la représentation ("D'un acteur quelquefois la séduisante
adresse / D'un vers dur et sans grace adoucit la rudesse:" ["Discours"
préliminaire d'Eryphile]) trouve sa contrepartie dans les
exigences du livre ("mais il faut un autre mérite pour soutenir
le grand jour de l'impression." [Préface de la première édition
de Mariamne]). Si les histoires du théâtre du
18e siècle ont longtemps favorisé sa face littéraire,
il est temps de ré-intégrer la masse des productions scéniques
issues de la théâtromanie ambiante. Il est clair qu'une
libre production du sens résultant de la collaboration active entre
acteurs et spectateurs fut progressivement enterrée au cours du
siècle par une écriture modelée sur des idéologies
non-théâtrales; cette pratique signifiante n'a ré-émergé
qu'au 20e siècle par le biais d'une nouvelle focalisation sur la
théâtralité.
TEXTES:
(maximum de huit pièces choisies parmi les suivantes)
Delisle
de la Drevetière, Arlequin sauvage (en ligne)
Marivaux,
Les
Acteurs de bonne foi
Piron, Arlequin
Deucalion (édition
J. Troubat en ligne)
Voltaire,
Brutus
(en
ligne)
Destouches,
Le Dissipateur
Mme de Graffigny,
Cénie
(en
ligne)
Collé,
La
Partie de chasse d'Henri IV (édition 1762 en ligne) (édition
1774 en ligne)
Sedaine,
Le
Philosophe sans le savoir
(édition du ms. de la Comédie-Française en ligne)
Beaumarchais,
Jean-Bête
à la foire ou Le Mariage de Figaro
David Trott, Théâtre
du XVIIIe siècle: jeux, écritures, regards. Montpellier,
Editions Espaces 34, 2000.
Une
bibliographie détaillée comportant des extraits de
l'Histoire et Recueil des Lazzis, les Mémoires pour servir
à l'histoire des spectacles de la Foire (en
ligne), la Correspondance littéraire,
Le Paradoxe
sur le comédien et d'autres commentaires, sera affichée
sur le site web du cours.
EVALUATION:
Un exposé
oral et une dissertation. |