David Trott [Prépublication de l'article à paraître dans les
actes du colloque international,
1.1. Qu'est-ce que le théâtre de foire? Salles de théâtre, répertoire, artistes, genres[NOTE 1], vision d'ensemble, «esprit», force subversive, ou tout simplement, au dire de ses détracteurs, le comble du mauvais goût? Il faut tenir compte non seulement de cette multiplicité de caractérisations, mais de la manière dont elles convergent et se croisent. Ce phénomène revêt de significations très différentes selon les publics; applaudis en 1722 par les spectateurs d' Arlequin Deucalion de Piron, ce théâtre insoumis au monopole des scènes privilégiées a vite posé des gestes énergiques et inventifs de refus. Interdit par les Comédiens Français de s'exprimer par dialogues, l'Arlequin joué par l'entrepreneur Francisque nargue ainsi, dans un monologue qui dure pendant trois actes, le malheureux représentant d'ordre public de service à l'occasion dans sa loge de la Foire Saint-Germain: ARLEQUIN : - La malpeste! Voici une gaillarde, celle-ci. Monsieur le commissaire, alerte. Je n'en réponds pas. Sauvez-nous l'amende! La commère aura autant de peine à se taire que l'autre [Melpomène] en avait à parler»[NOTE 2]. 1.2. Au premier abord, le théâtre de foire en France semble être un phénomène révolu avant 1789. Il reste associé à un espace-temps concret--des enclos appartenant à des ordres religieux pendant des saisons délimitées--, et il est né de la conjoncture d'une forte hiérarchisation des goûts et registres à laquelle la Révolution prétendait mettre fin. Or nombre de loges et théâtres des Foires St-Germain et St-Laurent à Paris étant désaffectés ou démolis vers la fin du siècle, trouver les traces d'une tradition et d'un répertoire forains à l'époque révolutionnaire relèverait d'une mission impossible. Toutefois, il convient aussi de souligner la grande malléabilité de l'objet poursuivi et le caractère dispersé de ses traces post-1789. Dans le domaine de l'histoire du théâtre, l'objet d'étude--le spectacle dit forain--dépasse les limites du bâtiment et du document écrit, qu'il s'agisse du texte d'une pièce, d'un article journalistique ou d'une liasse de papiers d'archives. Il est question de cerner des moments éphémères d'activité scénique, des indices imparfaitement cataloguées d'influences modalisées[NOTE 5] et des perceptions collectives relevant d'un public théâtral difficile à saisir. 1.3. Pour caractériser le théâtre de foire pendant la période révolutionnaire, il faut tenir compte tant de son évolution que de son essence. Aboutissement entre 1789 et 1800 d'une suite de transformations qui parcourent plusieurs siècles, il reste également une entité théâtrale de tous temps. Dans les pages qui suivent, nous considérerons quelques-uns des récits formateurs qu'il a générés, récits dont des épisodes négligés ont eu lieu pendant la Révolution, pour ensuite considérer des caractéristiques fondamentales du genre. I 2.1. On peut cerner globalement le théâtre de foire pré-1789 comme un vaste répertoire et un personnel nombreux : la liste bibliographique de Clarence Brenner[NOTE 6] donne 873 titres dont le lieu de première représentation a été l'une des foires parisiennes, particulièrement pendant la première moitié du XVIIIe siècle[NOTE 7]. Sans compter 171 titres anonymes (presque 20% du corpus), quelques 80 noms d'auteurs sont associés à ce corpus. 22 de ces auteurs, selon Brenner, auraient contribué plus de 5 pièces à la foire, et pourraient constituer ainsi un noyau important--avec de nombreux entrepreneurs et acteurs qu'il ne faut pas négliger--des créateurs du théâtre de foire. Les auteurs principaux sont, pour ne nommer que les dix les plus actifs : Louis Fuzelier (113 titres), Charles-François Pannard (99 titres), Alain-René Lesage (71 titres), Charles-Simon Favart (62 titres), Denis Carolet (60 titres), Alexis Piron (23 titres), Jean-Joseph Vadé (22 titres), Adrien-Joseph Valois D'Orville (21 titres), Louis Anseaume (16 titres), Toussaint-Gaspard Taconet (11 titres). 2.2. Cette masse de titres et d'auteurs se répartit sur plusieurs générations que Martine de Rougemont organise à l'aide du paradigme narratif dans sa Vie théâtrale au XVIIIe siècle : «Le théâtre forain constitue un objet d'étude historique presque parfait : il a un commencement, un milieu, une fin, une étendue circonscrite et facile à mesurer d'un regard»[NOTE 8]. Seulement, les étapes s'échelonnent selon plus d'une perspective, relativisant ces «commencement[s]», «milieu[x]», et «fin[s]» susceptibles de datations variées dont chacune reflète une perception différente du phénomène théâtre de foire. Pour Jules Bonnassies, «La première troupe d'acteurs forains paraît être venue à la foire Saint-Germain, vers 1595»[NOTE 9] ; quant à Louis Fuzelier dont la première pièce foraine date de 1701, il affirme : «Je suis le Parrain de l'Opéra-comique»[NOTE 10] ; pour les éditeurs d'une récente anthologie de pièces du Théâtre de la Foire, l'événement à privilégier serait un avènement de Lesage en 1712 qu'ils caractérisent ainsi : «Enfin Lesage vint»[NOTE 11]. 2.3. En insistant sur des origines très anciennes, Bonnassies (et bien d'autres) met en valeur la tradition des foires commerciales tenues chaque année sous la juridiction intéressée d'ordres religieux dans des zones franches telles que celle de la Foire Saint-Germain (près de St. Germain des Prés) ou celle de la Foire Saint-Laurent ( près de l'actuelle gare du Nord)[NOTE 12]. Evénements essentiellement saisonniers (FSG, de février à Pâques; FSL de juillet à septembre) qui ont attiré une population mobile de bonimenteurs, charlatans, danseurs de cordes cherchant à profiter du passage des marchands forains et de leur nombreuse clintèle, les spectacles forains ont pris une plus grande ampleur à deux moments précis : dans les années 1660 à 1680 (Les Forces de l'amour et de la magie, des frères Allard)[NOTE 13], et pendant la première moitié du XVIIIe siècle (suite à l'exil des Comédiens Italiens en 1697) jusqu'à la leveé en 1752 de la dernière d'une série d'interdictions de représentations théâtrales «parlées» dans les théâtres forains sans privilèges. Bénéficiant de ces deux périodes de flou réglémentaire, avant l'implantation des théâtres de monopoles -- L'Académie Royale de Musique et la Comédie-Française -- et après la brèche créée à la fin du XVIIe siècle par l'expulsion des Italiens, et une deuxième brèche, ouverte en 1708-1715 par la désignation d'une troupe foraine «privilégiée» et payante, le futur Opéra-Comique a graduellement pris forme. 2.4. Quand Louis Fuzelier se proclame «Parrain», il rattache ses origines immédiatement au personnel des troupes de la foire: «Je suis le Parrain de l'Opéra-comique, qui avant de porter ce nom s'appeloit la troupe de Belair, la troupe d'Alar, etc., au gré des entrepreneurs qui le conduisoient»[NOTE 14]. Il est significatif que ces lignes manuscrites soient restées peu connues. Bien que le plus polyvalent et le plus prolifique des auteurs forains, Fuzelier est resté méconnu sinon inconnu jusqu'aux études de Marcello Spaziani qui lui ont restitué le profil qui lui manquait[NOTE 15]. 2.5. Dans un article sous presse sur l'activité foraine de Fuzelier, il est précisé : «Pour ce qui est de son activité plus strictement foraine, l'on croit discerner sa contribution ou collaboration dans un grand nombre de pièces jouées sur des scènes foraines pendant les 43 ans entre 1701 Thésée ou la défaite des Amazones et Les Amours de Tremblotin et Marinette et 1744, Polichinelle maître d'école et La ligue des opéras. Les biographes, historiens et éditeurs s'entendent sur l'ampleur inégalée de sa production, puis butent sur le problème non résolu (sinon insoluble) de son apport "personnel" à un corpus largement inédit, fragmentaire et presque systématiquement collectif»[NOTE 16]. 2.6. «Enfin Lesage vint». Une certaine histoire littéraire atténue les anecdotes sur l'insoumission foraine au début des années 1700, préfère mettre en valeur les «monuments» (le terme est proposée par Lesage) de l'inventivité du personnel des foires et l'assimile en la concentrant dans la personne et l'action littéraire de l'écrivain Alain-René Lesage (présenté presque invariablement comme l'auteur déjà célèbre de Turcaret --représentée à la Comédie-Française--et du roman à venir, Gil Blas). Cette vision (et version) du théâtre de foire ampute 90% d'un répertoire qui s'étend bien au-delà du retrait de la production foraine en 1737 par l'éditeur-auteur, mort dix ans plus tard[NOTE 17]. Ancrée dans une étude de l'oeuvre de Lesage par Victor Barberet, au XIXe siècle[NOTE 18], l'approche consiste en l'effacement des parts de nombreux collaborateurs de Lesage (Fuzelier surtout, D'Orneval, Piron, Pannard...) pour recourir au modèle de l'oeuvre de Molière, venu élever le théâtre populaire de son temps aux hauteurs littéraires de la grande comédie que nous connaissons. Le moule convient moins bien à Lesage, mais semble persister jusqu'à nos jours, à en croire la dernière édition sortie en 2000. 2.7. Comme ses «commencements» variant entre la fin du Moyen Age, le XVIIe siècle et l'épuration du répertoire dans l'édition du Théâtre de la Foire ou l'Opéra-comique, de Lesage et d'Orneval (publié dès 1721 et commençant avec une pièce de Lesage jouée en 1713, Arlequin roi de Sérendib), les «fins» du théâtre forain s'étalent également en fait sur plusieurs moments et plusieurs événements. Lorsque la prolifération des troupes rivales dans les foires (Les Marionnettes Étrangères, la troupe de Francisque, la Comédie-Italienne venue elle-même concurrencer les théâtres forains chez eux, à la Foire Saint-Laurent, pendant les étés 1721 à 1723), le personnel des spectacles forains tend à retomber dans l'anonymat. Mais, leurs spectacles ne s'arrêtent jamais ; une pléthore de divertissements et surtout de pantomimes pendant l'interdiction de l'Opéra-Comique entre 1745 et 1752 en témoigne[NOTE 19]. 2.8. Issu directement du théâtre de la foire, l'Opéra-Comique se confond dès 1762 avec la Comédie-Italienne qui, comme on vient de voir, s'était établie brièvement elle aussi à la Foire Saint-Laurent entre 1721-1723. Des nombreuses troupes localisées dans (ou près) de l'enceinte des grandes Foires parisiennes, la désignation Opéra-Comique, vendue au plus offrant des entrepreneurs de la saison, a fait une compagnie privilégiée parmi plusieurs autres qui se sont vues ainsi privées de parole et réduites aux spectacles de danses de cordes, de pantomimes et de marionnettes. Au cours de la deuxième moitié du siècle l'institution, Opéra-Comique, s'infiltrera dans la Comédie-Italienne par degrés successifs, allant de 1762 à 1793, moment où la réalité de l'effacement de la composante «italienne» de la fusion est reconnue par l'abandon du nom Théâtre Italien en faveur de celui de l'Opéra-Comique[NOTE 20]. Ces jeux de noms se sont déroulés à un rythme séparé du processus d'assimilation. Sous l'impulsion d'artistes et entrepreneurs comme Charles-Simon Favart, les racines foraines de la nouvelle compagnie ont longtemps persisté tout en évoluant grâce à l'essor du genre du vaudeville où paroles et chants se mélangent. 2.9. Alors que l'Opéra-Comique a pu atteindre une plus grande permanence en quittant les foires saisonnières pour se glisser dans la salle et le calendrier ininterrompu de la Comédie-Italienne, les autres troupes foraines ont fui les contraintes de saisons de deux ou trois mois en se déplaçant vers les boulevards, puis au Palais Royal. La multiplication du nombre de théâtres à Paris après le milieu du siècle a déjà été évoquée par d'autres ici. Il ne faut qu'ajouter le fait que pendant la migration vers les boulevards, des troupes aux racines foraines comme celles de Jean-Baptiste Nicolet et de Nicolas-Médard Audinot avaient à gérer, et à remplir, trois théâtres, l'un sur le Boulevard, l'un à la Foire Saint Germain et l'un à la Foire Saint Laurent. Même si on nous suggère que les Foires ont été abandonnées plus tôt (pour causes d'incendies aussi bien que par désaffection du public), la pratique des salles multiples a continué jusqu'à la Révolution[NOTE 21]. 2.10. A force de migrations vers d'autres espaces, le théâtre de foire passe d'un ensemble physique de troupes et de salles ayant créé un répertoire libre, critique et divertissant vers de nouveaux locaux et appellations et des genres transformés tel que le vaudeville qui contiendra un mélange toujours fluctuant d'airs populaires et d'ariettes nouvelles. De génération en génération, le Théâtre de Nicolet (issu des foires où dès 1742 le père de Jean-Baptiste, Guillaume Nicolet, dirigeait une troupe de marionnettes) devient le Théâtre des Grands Danseurs. De façon similaire, la troupe d'Audinot devient l'Ambigu-Comique. Mais, leurs racines ne s'oublient pas totalement. Lorsque ces troupes passent sous la direction de Gaillard et Dorfeuille qui obtiennent le droit d'exploiter les Grands Danseurs, l'Ambigu et les Variétés-amusantes, ces nouveaux entrepreneurs rendent leurs droits aux deux premiers en transfèrant les Variétés au Palais-Royal[NOTE 22]. II 3.1. Indépendemment des manifestations narrativisées du théâtre de foire avec leurs commencements, leurs milieux et leur fins, il y a le phénomène du spectacle forain qui n'a pas d'âge; en fait, il peut être considéré comme un style sinon un genre de toujours. Deux citations, de Jules Bonnassies et de Martine de Rougemont, et un article de Jacques Scherer illustrent ce côté atemporel du phénomène: «Au moment où les forains purent s'ériger en théâtres, au moment où ceux qui avaient été en mesure de profiter de cette permission devinrent, à leur tour, des scènes privilégiées, les forains persistèrent [mes italiques]: ce furent les petits spectacles de curiosité, ambulants ou fixes. Ils existent encore, représentés par beaucoup de petites scènes secondaires et même, si l'on fait abstraction du cadre matériel pour ne considérer que le genre exploité, par plusieurs grandes, qui fait rentrer, malgré leur titre de théâtres, dans la catégorie des spectacles, la prédominance du plaisir de l'oeil sur la jouissance intellectuelle. Ils sont représentés surtout par les cafés-concerts, qui prennent chaque jour une extension plus grande...»[NOTE 23]. «...la permanence de formes atypiques et libres qui sont celles des vrais forains, liés à la pérennité d'un défoulement des classes opprimées dans le tour de force, la performance, le jeu antagoniste [mes italiques]»[NOTE 24]. C'est un caractère permanent d'obstination, de critique et de révolte que Jacques Scherer a évoqué dans un article de 1975 comparant le théâtre de la foire à l'anti-théâtre briseur de formes au XXe siècle[NOTE 25]. "Persistence", "pérennité", protestation, ce sont autant de traits généraux qui entreraient dans la composition d'une représentation mythique de l'esprit du théâtre de foire[NOTE 26]. Encore faut-il ancrer ces traits--abstraits, universels--dans une perception documentable au moment de la Révolution que cet esprit venait en ligne droite du théâtre de foire. 3.2. Malgré les mutations évoquées ci-dessus qui ont vu les spectacles de la Foire passer par tant de formes et changer de locaux aussi, quelque chose a perduré. Parmi les fragments qui restaient encore visibles à la fin du XVIIIe siècle, il y a eu quelques bâtiments, des artistes dont les origines remontaient aux derniers moments de l'entreprise foraine et des restes d'un répertoire aux racines parfois traçables mais, conformément à l'essence des représentations théâtrales, en évolution perpétuelle[NOTE 27]. A ces traces physiques, des recherches fouillées permettent aussi de cerner nombre de renvois directs au théâtre de foire (segments, tels les compliments de clôture, un certain rapport scène-salle, le genre du vaudeville, de bons mots et des calembours non écrits, des représentations imaginaires du personnel forain--Piron, Pannard, Favart, Voisenon, Mme Favart...--et des codes scéniques le plus souvent non-ecrits. 3.3. Toutes les salles de théâtre considérées comme foraines n'avaient pas disparu en 1789. Quoiqu'occupées de façon intermittente pendant la Révolution, certaines continuaient d'accueillir troupes et spectacles. Toujours debout et ouverte en 178l, la salle d'Audinot à la Foire Saint-Germain a encore duré jusqu'à la fin du siècle ; elle a été détruite par incendie le 30 mai, 1798. André Tissier fait état d'une série de locataires venus occuper les lieux le temps d'une représentation exceptionnelle ou d'un bail limité. Le 23 janvier 1791, le Chronique de Paris fait état d'une représentation exceptionnelle des élèves de l'Ecole dramatique ; le 23 avril, les comédiens du Théâtre du Palais-Royal et un amateur montent Le Père de famille de Diderot et Ricco de Dumaniant ; entre le 3 février et le 15 octobre 1791, le chef de troupe, Lazari (mime italien, et nouvel Arlequin), prend le nom «Variétés comiques et lyriques» pour jouer, entre autres, [le 5 février] Crispin médecin, de Hauteroche, [le 7 février] Démocrite amoureux, de Regnard, et [le 26 février] Le Conspirateur confondu, ou la patrie sauvée[NOTE 28]. Nicole Wild confirme la présence dans cette salle de la troupe de Lazari jusqu'en mars 1793 : «Pendant 3 mois, ce local [46 Bd. du Temple, dans la salle des Elèves pour la Danse] et la salle foraine sont exploités simultanément. Lorsque le 24 mars 1793, ce spectacle prendra le titre de Variétés-Amusantes, la salle de foire sera définitivement abandonnée»[NOTE 29]. 3.4. Le même sort était réservé à la salle de Nicolet à la Foire Saint-Germain qui semble aussi y avoir vu défiler plusieurs entreprises. Elle est devenue à des moments différents, la salle des Variétés, la salle du Théâtre de Monsieur et, selon Arthur Pougin, elle a été occupée par le Théâtre Lyrique du Faubourg Saint-Germain[NOTE 30]. A. Tissier (p. 274) y signale aussi, le 27 novembre 1791, un spectacle extraordinaire des exercices des sauteurs et voltigeurs anglais, de la jeune Espagnole et des deux Américaines. Plus curieux, peut-être, est le sort du très beau théâtre (décoration de François Boucher), que l'entrepreneur Jean Monnet avait fait édifier à la Foire Saint-Laurent en 1752. Transférée physiquement aux Menus-Plaisirs après la fusion de l'Opéra-Comique avec la Comédie-Italienne en 1762, ce beau théâtre n'a été démoli qu' entre 1909 et 1911. Les anciennes salles foraines continuent pendant la Révolution de garder vivant le souvenir de la tradition dont elles sont venues. 3.5. Au niveau du répertoire et du personnel, la tradition foraine persiste aussi. Des 22 auteurs à succès (plus de 5 titres joués à la foire avant la Révolution) 16 (72.7%) figurent encore aux affiches post-1789, selon Emmet Kennedy, Marie-Laurence Netter et leurs collaborateurs[NOTE 31]. 6369 représentations de 115 titres sont recensées (à comparer avec Corneille, Molière, Racine, Regnard, Dancourt, dont le total serait de 3528 représentations) dont seulement certaines viennent directement des scènes physiquement situées à une foire. Il faut donc tenir compte d'un effet de rayonnement évident, mais difficile à fixer de façon définitive[NOTE 32]. 3.6. Ceux qu'on considère comme les piliers du théâtre de foire des «débuts», Lesage, D'Orneval, Fuzelier, Piron, Pannard, Carolet, Letellier, tout en étant relativement «présents» au répertoire post-1789, le sont seulement de façon atténuée sinon méconnaissable. D'Orneval, d'après Kennedy-Netter, saute complètement, ainsi que Letellier. Les 60 titres de Carolet tombent à 2 et les 113 de Fuzelier à 2 aussi. 3.7. Le palmarès au niveau statistique revient à Michel-Jean Sedaine qui, très tôt, dépasse la limite des enclos forains (6 titres seulement, parmi les 43 que lui attribue Clarence Brenner), mais c'est en créateur d'oeuvres plus «prestigieuses» comme La Gageure imprévue (jouée à la Comédie-Française) que le Sedaine post-révolutionnaire est reçu par le public parisien: 116 représentations sur 15 théâtres différents. 3.8. Mais derrière Sedaine, viennent Louis Anseaume (834 représentations de 10 titres), Charles-Simon Favart (351 représentations de 21 titres - La Chercheuse d'esprit, lancée à la Foire Saint-Germain en 1741, a eu 58 représentations aux théâtres des Grands Danseurs et du Vaudeville), Jean-Joseph Vadé (242 représentations de 7 titres - Nicaise, lancé à la Foire Saint-Germain en 1756, a eu 145 représentations dans 6 théâtres) 3.9. Toussaint-Gaspard Taconnet - Le Baiser donné et le baiser reçu, lancé en 1768 au Théâtre de Nicolet, a reçu 56 représentations au Lycée des Arts et aux Amis de la Patrie. Nostradamus, lancé en 1756 à la Foire Saint Germain, a reçu 51 représentations aux Grands Danseurs. 3.10. Continuité donc, mais seulement à force de production évoluée et perception publique différente. Dans la comédie de Barré et Piis, Le Mariage du Vaudeville et de la Morale[NOTE 33], le personnage, Vaudeville exprime le changement du genre dont il porte le nom en termes spatiaux de vagabondages et de déménagements: «AIR: De Cadet Roussel. Toujours chantant, toujours dansant. Dès le berceau je fus errant; Tantôt dévot, tantôt galant, Parfois badin, parfois méchant; Les troubadours, de terre en terre, Me conduisaient par la lizière, Ah! ah! vraiment, Combien j'ai marché, quoiqu'enfant ! On m'a vu, quand je fus plus grand, Dans les guinguettes me grisant. Puis, à la foire Saint Laurent, De terme en terme dénichant; Puis chez la troupe Italienne. Courant, trottant de scène en scène: Ah! ah! vraiment, Combien j'ai marché, quoiqu'enfant !» (Mariage du Vaudeville et de la Morale, scène première) La continuité évoluée constitue un processus, une voie de transmission à cerner de plus près. Si, au niveau des noms d'auteurs et de certains titres on trouve des liens apparemment directs entre théâtre de foire et scènes révolutionnaires, les noms propres recouvent des réalités changées. Au niveau spatial aussi, l'observation d'Arlequin, «nous sommes bien loin de nos foyers» (scène première), dans le Mariage du Vaudeville et de la Morale, laisse entrevoir une distance à combler. Alors que le Lesage du théâtre forain est celui d'Arlequin roi de Sérendib (1713), celui de l'inventaire Kennedy-Netter et al., est l'auteur du Point d'honneur, de Crispin rival de son maître et de Turcaret. La seule pièce à racines foraines attribuée à Lesage et jouée après 1789 est Le Retour d'Arlequin à la foire (Foire Saint-Germain, 1712)[NOTE 34]. De même, le titre d'une pièce peut cacher la plasticité de son contenu. L'exemple d'Arlequin devin par hasard ou le Lendemain de noces de Fuzelier, joué entre 1792 et 1795 sur 4 théâtres différents renvoie à une pièce inédite dont le manuscrit reflète sans les résoudre des versions fragmentaires et incomplètes[NOTE 35]. 3.11. Nous avons donc affaire à la poursuite d'unités et de segments d'analyse qui ne sont pas perceptibles pour qui focalise le regard sur la personnalité unique d'un écrivain ou le caractère figé et clos du texte, surtout lorsque ce dernier a été imprimé. Il s'agit plutôt de cerner «l'esprit forain» à défaut de filiations plus directes et concrètes. Gustave Attinger avait employé le terme dans son étude, L'esprit de la Commédia dell'Arte dans le théâtre français[NOTE 36]. L'esprit du théatre de foire serait à cerner de la même manière. Également éloigné dans l'espace (Italie vs la France) et dans le temps (phénomène finissant à la fin du XVIIe siècle), la comédie improvisée des Italiens a néanmoins laissé ses traces chez des auteurs aussi «français» que Marivaux. Comme le suggère Erica-Joy Manucci, les survivances des spectacles forains sont aussi à chercher au niveau d'éléments qui ne s'enferment pas uniquement dans les textes: «L'analisi dei testi scritti dagli autori, stampati o manoscritti, non è dunque uguale all'analisi della communicazione teatrale effettiva, sulla quale è possibile ricavare elementi da altre fonti»[NOTE 37]. Martin Nadeau confirme, dans son article sur l'Arlequin d'Ange Lazzari contenu dans le présent volume, la volatilité de certaines répliques improvisées sur le champ, évitant ainsi une censure trop axée sur le texte écrit. 3.12. Si l'esprit du théâtre forain comporte des irruptions de spontanéité vécues souvent comme des défis à la Loi (Arlequin Deucalion en 1722), les spectacles du Cadet Roussel y participent aussi. Une part importante du succès phénoménale des Cadet Roussel de Joseph Aude et d'autres serait due à des lazzis, à des significations pragmatiques prêtées en passant aux dialogues écrits[NOTE 38]. Dans «Les figures du théâtre d'Aude», Gérard Loubinoux caractérise les textes d'Aude de «partitions» dont les interprétations ponctuelles relèvent d'un art opportuniste. Ce succès se perçoit mieux, pourtant, grâce à une série de volumes à suppléments, classés comme des «Anas» après la période révolutionnaire qui nous intéresse[NOTE 39]. La Bibliothèque Nationale possède un recueil attribué à l'acteur Brunet, intitulé Rousséliana. Réunies par un compilateur qui se cache derrière le nom d'ANAGRAME DAUNEUR, les subtilités inédites de l'acteur sont évoquées comme «tous les BONS MOTS, Vers, Calembours, Lazzis et Facéties Des CADÉT-ROUSSEL, Où l'on a réuni toutes les Additions De M. BRUNET, Qui ne se trouvent pas dans les pièces imprimées»[NOTE 40]. L'introduction de ce volume précise : «L'éditeur livre donc en pleine confiance, cette nouvelle bagatelle à l'impression, quoique ne lui accordant d'autre mérite que celui d'une gaîté puisée dans les représentations [mes italiques]. Cet usage est assez bien établi aujourd'hui, et il n'est pas rare de se faire une espèce de réputation, en donnant comme de soi l'esprit des autres». 3.13. Plus important peut-être que la survivance de certains noms d'auteurs forains dont l'affiliation aux théâtres de foire s'était considérablement atténuée depuis le début de leurs carrières d'auteurs et le relevé d'éléments non textualisés, la présence de certaines pièces dans le répertoire du théâtre de la Révolution témoigne d'une continuation plus explicite d'influence. L'investissement graduel du Théâtre Italien par une tradition foraine canalisée à travers l'Opéra-Comique se poursuit aux débuts de la Révolution lorsque les comédiens non chanteurs de la «Comédie-Italienne» finissante sont expulsés de cette troupe. C'est en les termes suivants que La Grande Encyclopédie décrit l'établissement d'une nouvelle compagnie au nom évocateur du théâtre de foire des origines, le Théâtre du Vaudeville : «Un certain nombre de ses [ex-]membres, sous la direction du comédien Roziers et les vaudevillistes Piis et Barré, imagina de louer la salle dite le Vauxhall d'hiver [...] et l'inauguration en fut faite le [1]2 janvier 1792». Traçant ses origines au genre que Boileau avait consacré dans l'Art poétique, «D'un trait de ce poème en bons mots si fertile, / Le Français, né malin, forma le vaudeville» (chant II), la troupe du Vaudeville, victimes d'une vogue d'opéras italiens, s'est donné pour tâche de réhabiliter un genre «vraiment national», perçu comme étant «à la portée de toutes les classes de citoyens : l'homme des champs, l'artisan, l'ouvrier s'y reconnaissent ; le riche y puise quelques leçons, l'homme de lettres s'y forme le goût, et l'enfant s'y amuse»[NOTE 41]. 3.14. Le répertoire du Théâtre du Vaudeville s'est vite orienté vers celui du théâtre forain, d'abord par des remises au théâtre de pièces telles que la Nicaise de Vadé, retouché par Léger, le 18 janvier 1792[NOTE 42], La Chercheuse d'esprit de Favart, le 24 août, 1793[NOTE 43], et, le 8 décembre 1798 [18 Frimaire, an VII] Le Nouveau magasin des modernes, adaptation du Magasin des modernes de Pannard[NOTE 44]. Plus significatif, les animateurs du Vaudeville ont lancé une série de représentations scéniques des auteurs d'autrefois, comme Goldoni et Mercier l'avaient déjà fait pour Molière, mais avec une certaine prédilection pour des personnalités tirées du théâtre de la Foire. Commençant par l'exploitation d'une tradition de dialogues fictifs au-delà de la mort, cette tendance a donné naissance à des pièces comme Favart aux Champs-Elysées[NOTE 45]. Les couplets d'annonce, pourtant, laissent entrevoir toute une série de ressucitations, ainsi que le promet l'Arlequin préparant son public pour la représentation, le 4 Messidor, an VII, de Jean Monet Directeur de l'Opéra-Comique : «...vous allez voir Jean Monnet, entrepreneur des spectacles des foires Saint-Laurent, et Saint Germain : ce n'était pas hier» : «Air du vaudeville d'Arlequin Afficheur Sur ces théâtres-là Panard, Dorneval, Fuzelier, Lesage, Sedaine, Piron et Favart Ont donné plus d'un bon ouvrage. Quand nous r'ouvrons en hésitant Leur joyeuse et riche boutique, Puissiez-vous croire un instant A l'Opéra-Comique.» Un manuscrit inédit, à la Bibliothèque historique de la ville de Paris, «Théatre du Vaudeville 1798-1799»[NOTE 46], contient le registre quotidien des programmes et distributions de cette compagnie pendant une période de plus d'un an. Avec le recueil des couplets d'annonce, on y rencontre des titres, souvent raccourcis, évoquant des artistes forains : Piron, Favart aux Champs Elysées, Poinsinet, L'Abbé Pellegrin, René Lesage, Panard, et répétant dans les distributions certains de ces noms et d'autres, dont Vadé et Madame Favart. Cette galerie de portraits de ceux et celles qui avaient contribué à l'essor des théâtres de Saint-Laurent et Saint-Germain constitue un hommage en passant au patrimoine forain. * * * * * * 4.1. Fragmenté par des générations successives, par la mouvance des troupes et du répertoire, et par des catastrophes tant naturelles (l'incendie de la loge de Nicolet à la FSG en 1762) qu'humainement déclenchées (les événements à partir de 1789...), le théâtre de foire se transforme sans disparaître. Quelques représentations isolées se détectent encore dans des salles louées à tous venants (cf. Théâtre Monsieur), quelques personnalités aux racines foraines encore actives, des pièces lancées sur des tréteaux foraines encore à l'affiche dans un monde des spectacles éclaté par la grande ouverture des répertoires de janvier 1791. Certes, le souvenir est imparfait; le Vaudeville final de l'Histoire universelle du Cousin Jacques, jouée au Théâtre de Monsieur en janvier 1790, ne rappelle qu'imparfaitement la foire--quoiqu'en dise l'Almanach Froullé à l'occasion de la dernière représentation de cette pièce dans la salle de la Foire Saint-Germain--sur laquelle il tirait comme un trait. Le cinquième couplet de GENTIL, ainsi qu'un discours de clôture devenu inhabituel, martèlent une morale «Mettre la morale en chansons» qui généralise le sens des scènes divertissantes qui viennent de se dérouler. Et pourtant, jusque dans l'universalité du message de cette comédie, l'humanité du «citoyen zélé» («chérir les hommes par devoir») porte une coloration particulière que les leçons de sagesse des foires d'autrefois laissaient plus vagues. 4.2 C'est en tant que pratique de spectacle que le théâtre de foire vit tojours entre 1789-1800. Aussi est-il nécessaire de filtrer les restes d'une tradition foraine (avec commencement, milieu et fin) à travers la persistence de noms et de personnalités rappelés (Piron, Vadé, Favart, Pannard...), de genres ressucités (le vaudeville), d'un esprit de gaité populaire (manifesté dans des pièces comme la série des Cadet Roussel) et dans l'insaissable jeu scénique que les recueil des "Anas" (Rousséliana) laissent entrevoir. Le théâtre de la Révolution, malgré des aspirations de certains à en faire une école de la vertu capable de réunir tout un peuple, n'en a pas fini avec un autre riche héritage théâtral que j'appellerais forain. (Université de Toronto)
1 Voir Pierre Frantz, «Les genres dramatiques pendant la Révolution», Il Teatro e la Rivoluzione francese, Vicenza, 1991, p. 49-63. 2 A. Piron, Arlequin Deucalion, éd. J. Troubat, Bibliothèque Gallica, I, 4. 3 «Ainsi les théâtres forains étaient condamnés par le privilège à l'immoralité et, par conséquent, à la démoralisation. Leur répertoire, à cette époque [la décennie qui précède la Revolution] est aussi dégoûtant et stupide que celui des parades recueillies en 1756. Nous les voyons, aux foires et au boulevard, groupés dans un petit espace et mêlés à une foule de montreurs d'animaux, de phénomènes, de chanteurs des rues, de musiciens ambulants, de cabarets en plein air, dont les Almanachs forains de Nougaret donnent la nomenclature» (Jules Bonnassies, Les Spectacles Forains et la Comédie Française, Paris, 1875, p. 64). 4 «Théâtres des boulevards, théâtres populaires? [...] Les Grands Danseurs (un tiers de pantomimes à la même date) et les Beaujolais, comme deux ou trois autres spectacles des boulevards, jouent résolumment un répertoire mixte pour un public mélangé. Un nombre indéterminé d'autres "petits spectacles" paraissent avoir renoncé à toute ambition d'élévation sociale; seuls à se vouloir populaires, ils n'ont aucun critère visible que la facilité» (M. de Rougemont, La Vie théâtrale en France au XVIIIe siècle, Genève, 1996, p. 276). 5 «La modalité de la mise en scène n'est pas localisable [...] en des expressions ou des techniques surajoutées au texte mis en scène (au dictum), mais elle s'intègre à l'interprétation même et éclaire le texte comme de l'intérieur.» (Patrice Pavis, Dictionnaire du théâtre, Paris, 1987, article «Modalité». 6 Clarence D. Brenner, A Bibliographical List of Plays in the French Language, 1700-1798, Berkeley, California, 1947. Désormais numérisé sous le titre PIÈCE par Jeffrey S. Ravel, l'index peut être consulté sur Internet à : < http://18.186.0.213/frenchindex.html>. Les chiffres cités dans cet article viennent de la version numérisée en format Filemaker Pro. 7 A titre de comparaison, l'index de Brenner donne 651 titres ayant débuté à la Comédie-Française et 577, à la Comédie-Italienne (à ce dernier chiffre, il faut ajouter 375 titres dont la première représentation aurait eu lieu aux Italiens après 1762 et dont un nombre indéterminé viendrait des artistes de l'Opéra-Comique, descendants du théâtre de foire). 8 M. de Rougemont, La Vie théâtrale [...], p.. 9 J. Bonnassies, Les Spectacles Forains [...], p. 2. 10 «Opéra Comique», manuscrit autographe de Louis Fuzelier, Bibliothèque de l'Opéra, publié dans «Sources, documents pour servir à l'histoire de l'Opéra-Comique», Année musicale, 1913. 11 Alain-René Lesage, Théâtre de la Foire, éds. Isabelle et Jean-Louis Vissière, Paris, 2000, «Présentation», p. 11. 12 Parmi les grandes manifestations commerciales annuelles, qui rassemblent des marchands souvent venus de loin, deux foires se sont imposés à Paris, dès le déclin du Moyen Age. Celles-ci ne tirent pas leur nom de la fête d'un saint, mais des abbayes qui bénéficient d'une extraterritorialité par rapport à l'octroi et qui en profitent pour leur louer de vastes espaces: la foire Saint-Germain (des Prés), rive gauche, se tient du 3 février jusqu'au début d'avril, la foire Saint-Laurent, rive droite, en gros en juillet-août." (M. de Rougemont, La Vie théâtrale [...], p. 262-263). 13 Barry Russell donne la première représentation des Forces de l'amour et de la magie, le 3 février 1678, comme moment qui «marque la naissance du théâtre de la foire à Paris» (Le Théâtre de la foire à Paris, Hypertexte de Barry Russell, < http://foires.net/1678.shtml>). 14 Fuzelier, ms. «Opéra Comique». 15 Voir aussi, David Trott, «Louis Fuzelier et le théâtre : vers un état présent», Revue d'Histoire littéraire de la France, vol. 83, no 4, juillet-août, 1983, p. 604-617. 16 David Trott, «L'apport de Louis Fuzelier au théâtre de la Foire», Les Théâtres de la Foire, actes du colloque de Nantes (28 avril - 1er mai 1999). Le grand nombre de pièces qu'on associe à son nom--122 recensées par Brenner-- pourrait monter à 163 si on incorporait toute la variété de ses occupations pour le théâtre forain. 17 «La plus fréquente jusqu'à nos jours consiste à montrer la conquête du monde théâtral par les forains comme une ligne de progrès continu; elle tend peut-être à confondre le passage d'un public populaire à un public bourgeois [mes italiques], avec une conquête des bourgeois par un répertoire populaire (le théâtre forain seul théâtre national, français, réaliste, etc.), ou inversement avec l'accès d'un public resté populaire à la culture bourgeoise» (M. de Rougemont, La Vie théâtrale [...], p. 271). 18 Victor Barbaret, Lesage et le théâtre de la Foire, Nance, 1887. 19 Voir D. Trott, Théâtre du XVIIIe siècle : jeux, écritures, regards, Montpellier, 2000, Tableau 3, «Troupes foraines à Paris, 1700-1752», p. 140. 20 En février 1793, une délégation populaire a réclamé un changement de nom ; la Comédie-Italienne est devenue Théâtre de l'Opéra Comique National. Voir aussi, D. Trott, «Border crossings, naturalization and change: the final years of the Comédie-Italienne in France, 1752-1779», < http://www.chass.utoronto.ca/~trott/It52-79.htm>. 21 Il existe à la Bibliothèque historique de la ville de Paris, un document manuscrit, «Supplique du sieur Nicolet, "directeur du spectacle des grands danseurs du Roy aux Boulevards", pour être dispensé d'aller à la Foire St. Laurent» (s.l.n.d. [1784], ms. C.P. 4470). 22 M. de Rougemont, La Vie théâtrale [...], p. 273. 23 J. Bonnassies, Les Spectacles Forains[...], p. 133. 24 M. de Rougemont, La Vie théâtrale [...], p. 271, attribue cette vision à M. Spaziani. 25 Jacques Scherer, Théâtre et anti-Théâtre au XVIIIe siècle, Oxford, 1975. 26 "A ce refrain moqueur, à ce souris malin, Ne seriez-vous pas, vous, le jeune Vaudeville" (MICHAU, dans la première scène du Mariage du Vaudeville et de la Morale...) 27 «C'est pour cela que la mesure palpable de l'apport de Louis Fuzelier au théâtre de la foire qu'il "parraina" se présente comme un défi sinon un cas limite, car le contexte dans lequel il opérait relève moins du niveau des concrétisations textuelles et des gestes documentables que de celui des affinités, des tendences, des influences et des structures profondes.» (article à paraître, D. Trott, «Je suis le parrain de l'Opéra Comique»). 28 André Tissier, Les Spectacles à Paris pendant la Révolution. Répertoire analytique, chronologique et bibliographique, 1789-1792, Genève, 1992, p. 273-275. 29 Nicole Wild, Dictionnaire des théâtres parisiens au XIXe siècle – les théâtres et la musique, Paris, 1989, p. 416. 30 A. Pougin, Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre et des arts qui s'y rattachent, Paris, 1885, p. 717. Pougin confirme l'existence de ce théâtre en 1800. 31 Emmet Kennedy, Marie-Laurence Netter, James P. McGregor, and Mark V. Olsen, Theatre, Opera, and Audiences in Revolutionary Paris: Analysis and Repertory, Westport Conn. and London, 1996. 32 Ces chiffres viennent d'une version de travail précédant la version numérisée de l'inventaire d'E. Kennedy et M.-L. Netter, incorporé désormais dans la base de données CÉSAR («Calendrier électronique des spectacles sous l'ancien régime et sous la révolution»), consultable en ligne à <http://cesar.org.uk/cesar2/>. 33 représentée au Théâtre du Vaudeville, le 16 janvier 1796. Piis, Le Mariage du vaudeville et de la morale, comédie en un acte, en vers, mêlée de vaudevilles, A Paris, An Deuxième. [BnF YTh 23316. 34 Représentée en 1796 au Théâtre des jeunes artistes. 36 L'Esprit de la 'Commedia dell'Arte' dans le théâtre français, Paris, Librairie théâtrale, 1950. 37 E.-J. Mannucci, Il Patriota e il Vaudeville : teatro, pubblico et potere nella Parigi della Rivoluzione", Vivarium, 1998, p. xviii. 38 La base de données CÉSAR relève une douzaine de Cadet Roussel jusqu'à la fin du siècle, allant du Cadet Roussel garçon d'auberge, de Prévost (Théâtre des Associés, 1784) à l' École tragique ou Cadet Roussel maître de déclamation, d'Aude (Théâtre de Montansier, août 1799). La série a continué également au XIXe siècle. 39 «Volume faisant collection et suite au Brunétiana, Ou Calembourgs (sic), comme s'il en pleuvait, Ango-Tiana, Guères de Trois, (suite des deux précé-Dens) Cricriana, Ivrogniana, Grivoisiana, etc.» 40 A Paris, Chez Mad. CAVANAGH, libraire, sous le Passage du Panorama, No. 5. AN XIII. -- 1805. [BnF Z 58,293. 41 E.-A. Dossion, Recueil des couplets d'annonce chantés sur le théâtre du Vaudeville, A Paris, AN XI (1803), «Notice historique», p. I. [BHVP 17 231. 45 Radet, Desfontaines, Barré, Favart aux Champs-Élysées, représenté pour la première fois au Théâtre du Vaudeville, rue de Chartres, le mercredi 26 juin 1793 (A Paris, Chez Brunet, 1793). La pièce a été créée à l'occasion de la mort de Favart, survenue le 2 mai 1792. |